dimanche 30 octobre 2011

Enseigner

Enseigner...quel beau métier !
En entamant mes démarches pour partir faire du volontariat, je souhaitais avant tout pouvoir exercer mon métier d'éducateur spécialisé...pour finalement partir en tant qu'enseignant, dans des matières dans lesquelles je ne pensais avoir initialement aucune chose à transmettre.
Après quelques semaines de cours, je réalise que, finalement, enseigner et éduquer ne sont pas des termes si éloignés que cela...en tout cas, pas dans ma conception de l'enseignement, et qu'il m'est possible de pouvoir leur apprendre des choses. Certaines connaissances que nous avons en France et qui nous paraissent très banales sont ici de véritables mines d'or...

Dans ma manière de faire, j'essaye de pouvoir contribuer à ces deux aspects, aussi importants l'un que l'autre à mon sens. Bien entendu, l'enseignement doit avant tout permettre de transmettre un savoir, mais la manière m'importe beaucoup, et je crois que cette coopération me permet d'allier beaucoup plus facilement les deux qu'elle ne me le permettrait en France car j'y ai un peu plus de liberté.

A vrai dire, ici, je n'ai pas de programme...les personnes qui me sollicitent me demandent de donner des cours de « philosophie », de « français », de « sociologie », et de « musique », sans autre consigne et cela me permet de pouvoir organiser mes cours comme je l'entends, pourvu que je leur transmette quelque chose...

Petit rappel (ou résumé) des cours que je donne sur une semaine :
  • 4h30 de Français auprès des jeunes du foyer où je suis. (14 jeunes + 2-3 personnes extérieures qui souhaitent apprendre le français).
  • 3h de philosophie auprès de ces mêmes jeunes. (14 + 1 personnes).
  • 1h de sociologie auprès des étudiants du grand séminaire (35 élèves sur deux niveaux)
  • 1h de travail auprès des étudiants du grand séminaire (22 élèves) pour les aider dans leur préparation d'un exposé à préparer pour mars.
  • 1h alternativement de Français et de guitare auprès des sœurs du Noviciat (15 sœurs).
  • 2h de cours avec deux Brésiliens du coin qui souhaitent apprendre le Français (ils ne parlent pas du tout)
  • 4x1/2h de soutien de Français avec Odon, Jocylin, Njaka et Jean-Marie qui ont plus de difficultés que les autres pour comprendre et parler le Français.
  • 2h de soutien avec Sylvie, Dina et Jean-Emile pour des mathématiques et du Français.

Hormis pour la sociologie où je ne maîtrise pas assez la matière et où l'effectif de ma classe est trop élevé (35 élèves), mes conditions de travail sont telles qu'il m'est permis de suivre indépendamment mes élèves sans nuire au bon fonctionnement du reste du groupe. Cela me donne ainsi la possibilité d'adapter mes cours au niveau moyen de ma classe, tout en m'assurant que les élèves les plus faibles arrivent à suivre le rythme. 

En outre, le fait de vivre quotidiennement avec la plupart d'entre eux, me permet de les connaître un peu mieux humainement et d'axer ainsi mes cours en prenant en compte les difficultés de chacun. Les relations se décantent peu à peu, et je sens qu'une certaine confiance naît entre nous : les sourires des jeunes les plus réservés sont de plus en plus fréquents, plus intéressés tandis que je commence à les connaître un peu mieux humainement et scolairement.
J'aurai probablement l'occasion de vous reparler de Njaka et Odon pendant l'année : ils font partis des élèves à qui je consacre un peu plus de temps, et au bout de trois semaines, je sens déjà que ce travail porte des fruits...c'est encourageant !

Je ne saurais détacher dans tous les cas ce que je suis de mon enseignement. Comme je leur dis concernant la lecture : 
« Si vous ne prenez pas votre temps pour lire et si vous ne pensez pas ce que vous dites quand vous lisez, si vous ne le vivez pas à l’intérieur, alors tout le monde va s'endormir et cela n'aura servi à rien. ».
Alors moi aussi je vis à l’intérieur mes cours, en étant vraiment convaincu de ce que je leur transmets. C'est là qu'intervient le terme « Éduquer », tout proche du terme « Enseigner ». Au delà d'une connaissance à donner, je vis cela comme une vraie transmission, préférant témoigner dans le même temps de ma façon d'aborder l'enseignement et de ce que je suis. Je remanie la salle, fais des petits jeux, du théâtre...bref, des choses qui me correspondent et que je souhaite leur apprendre.

Ces dernières semaines, j'ai pu voir quelques avantages (et inconvénients) qu'il y avait à donner des cours dans une matière que je ne maîtrisais initialement pas.

La première des choses est que pour enseigner, il faut au préalable avoir des connaissances...j'en ai quelques unes, mais il me faut les compléter. Je redécouvre ainsi la langue française, et apprends beaucoup sur la sociologie, la philosophie et la musique...
Mes élèves me poussent sans cesse dans mes retranchements et m'obligent à avoir une vraie réflexion sur la construction du français. La langue française étant bourrée d'exceptions, j'apprends à naviguer entre celles-ci...

  • Bon, alors, voilà, le plus simple pour commencer la conjugaison des verbes, c'est de commencer par les verbes du 1er groupe. Ils finissent tous en -er, et leur conjugaison est toujours la même, quelque soit le temps employé. Donc par exemple, le verbe « aller »
  • Bon, non, pas le verbe « aller », lui il marche pas comme les autres.

Le fait de ne pas connaître immédiatement la réponse aux questions de mes élèves me donne la possibilité de comprendre celles-ci et d'y répondre avec d'autant plus de précision...et c'est clairement un avantage que je n'ai pas en mathématiques ! Fort de mes connaissances en mathématiques, il m'est beaucoup plus difficile d'accéder aux difficultés de l'élève concernant tel ou tel point, dans la mesure où je ne vois pas ça comme un problème.
Mais je dois cependant admettre que l'absence de recul pour la philosophie ou encore la sociologie se fait ressentir parfois pour pouvoir répondre à des questions plus poussées...

Christian m'a fait part récemment du fait que je serai probablement sollicité en mars par un lycée pour donner une conférence sur les choix de vie, auprès des terminales...et ça, j'avoue que cela me plaît...à suivre...
Je conclurai cet article en soulignant le fait que je bénéficie de très bonnes conditions pour pouvoir aborder et vivre l'enseignement de cette manière : 

J'ai la chance d'avoir des élèves globalement intéressés, peu nombreux et très disciplinés que je côtoie au quotidien. De plus, les différentes matières que je tente de transmettre sont "applicables" directement au quotidien et suscitent ainsi plus facilement l'intérêt...
Peut-être que ma vision de l'enseignement ne changerait pas, mais il me serait beaucoup plus difficile de la mettre en pratique concernant des mathématiques en pleine ZEP de Seine-Saint-Denis...


P.S : Ici, on n'a pas changé d'heure, nous avons donc maintenant 2h de décalage avec la France...

2 commentaires:

  1. Très chouette cet article ! Bon ceci est juste un petit commentaire pour te dire que je t'ai posté une petite ( enfin tout est relatif ! )lettre ce matin ! Partie le 31 octobre , on verra combien de temps elle met pour arriver , je prie pour qu'elle arrive quand même, on ne sait jamais ! Mes lettres arrivent en Haiti et en Tunisie, elles arriveront bien à Mada ! ^^ Tu me diras quand tu l'auras reçu !
    Grosses bises !

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  2. C'est vrai ... ils sont chouettes les articles .. Intéressants, vivants, instructifs ... Normal pour un enseignant, philosophe de surcroît.
    Moi, si j'étais son père, je serais fier..
    Allez... bisous mon fils !

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