vendredi 29 juin 2012

Le couteau


Aujourd’hui, nous sommes le 26 juin, jour de fête nationale à Madagascar…A cette occasion, j’ai la chance d’être invité par Zinah et sa famille pour la journée. Journée assez exceptionnelle en vérité, faite de grande simplicité, de rires et de générosité. Une belle occasion de découvrir Madagascar en son cœur.

Beaucoup de monde rassemblé pour le défilé.
Il est 11h30. Nous venons d’assister au défilé de la matinée, regroupant militaires, écoliers et toutes les associations de la ville et c’est donc fort logiquement que nous nous dirigeons vers notre lieu de déjeuner : le chantier du père et de l’oncle de Zinah, un hôtel en construction où la famille logera et travaillera prochainement.


J’ai maintenant l’habitude de venir dans ce lieu encore en travaux, maison presque secondaire de la famille où au milieu des sacs de ciments et des gravats ont poussé quelques meubles, une télé, son lecteur DVD et ses enceintes : accessoires primordiaux pour se passer des clips malgaches toute la journée…


L’heure du repas approche, toute la famille (et en particulier les femmes) s’activent dans le petit espace qui sert de cuisine, refusent mon aide (le contraire m’eut étonné)...on sort le riz des couvertures où il était gardé au chaud depuis le matin, un sac à ciment vide à même le sol fera office de nappe tandis que les sacs à ciment pleins serviront tout simplement de fauteuils. Jeannine, en bonne maitresse de maison, mène la danse, demande à Cynthia de me laisser la meilleure place : celle à côté de la vraie table.
Au milieu d’une table façon pique-nique, les assiettes se remplissent de riz, Jeannine y ajoute le porc (prononcez « porque »…ya pas de raison de pas prononcer le « c » !) et prépare plusieurs petits bols de concombres et de tomates qu’elle disperse aux différents endroits de la table. Chacun se servira au moment où il le souhaite.
A côté de mon assiette remplie de riz, Jeannine, à mes petits soins comme à son habitude, y a disposé un bol de concombres juste pour moi, ainsi qu’une coupelle de quatre morceaux de viandes baignant dans la sauce tomate. Comme tout un chacun, elle m’a fourni une fourchette et une cuillère…
Les discussions vont bon train à côté de moi, mais je n’écoute qu’à moitié, d’une part car je ne comprends pas le Malgache (c’est une bonne raison) et d’autre part car plusieurs questions existentielles me viennent à l’esprit :
Question numéro 1 : « Comment vais-je manger ma viande sans couteau ? »…Certains sauront, pour reprendre une expression fort connue, que je ne cours pas particulièrement après la viande, encore moins après des bouts d’os entouré de gras…Berk…je n’aime pas manger avec mes doigts…j’en ai toujours plein les doigts après, j’ai horreur de ça…
Question numéro 2 : « Comment vais-je faire pour trier le gras de la viande ? »…avec une simple cuillère et une fourchette, c’est un sacré challenge…J’avoue, vu l’accueil qu’ils me font, ça ferait quand même mauvais genre de tout laisser sur le bord de l’assiette, surtout que eux, quand ils ont fini, les os sont aussi lisses que le crâne de Robert Hue…Je crois qu’il va me falloir me résoudre à l’évidence : tu vas devoir te forcer à tout manger…j’ai bien dit « tout » Augustin…oui oui, même le gros bout de gras dont tu as horreur…enfin, non, pas celui-là, je ferai style que j’ai plus faim, juste ces trois-là.
Allez, je me lance…Tour à tour, les trois morceaux de viandes sont avalés, non sans une certaine appréhension et une petite grimace de temps à autre.
Ouf…j’ai réussi !
Je vais pouvoir manger tranquillement mon r… « canard ! » s’écrie Jeannine en me lançant un morceau de viande dans l’assiette…
Aïe…bon, cette fois-ci, le problème est que je ne peux pas tout mettre dans la bouche : je suis tombé sur un os (dans les deux sens du terme…)…Bien, et ben passons à l’effort numéro deux de la journée : mets y les doigts…Si si, vas-y, t’inquiète, dans l’état où il est, c’est pas le canard qui va te manger…
Les doigts huileux, je n'ose plus rien toucher autour de moi...je m'efforce de manger le canard et d'en laisser le moins possible. Le résultat n’est pas extraordinaire, mais bon, ils vont pas chipoter non plus !
J’en étais où ? Ah oui, mon r… « poulet ! ». Je regarde mon assiette. Jeannine vient d’y ajouter une cuisse…
J’espère que cette fois-ci, il n’y en aura plus…c’est bon ! C’est fini, même si l’os de la cuisse n’est pas si lisse hélas…

Il ne me reste plus qu’à terminer mon riz…La coupelle de la viande (avec le dernier morceau donc) est toujours auprès de moi, j’en profite pour y verser le reste de sauce dans mon assiette. Je sens le regard de Jeannine peser sur moi…sitôt la coupelle remise à sa place, elle se précipite pour aller la remplir auprès de la gamelle !
-  « Non Jeannine ! » fais-je en retenant un peu mon ardeur mais en manifestant bien que je ne vais bientôt plus pouvoir avaler grand-chose…Sans compter qu’entretemps, elle m’a resservi la même dose de riz dans l’assiette, sous l’œil de Zinah amusée qui s’est exclamée « il faut faire un réservoir Augustin ! ».
Jeannine a pitié de moi : elle ne me ressert que de la sauce…ouf ! J’ai eu peur de voir arriver de nouveaux morceaux de viande, que dis-je ? De nouveaux morceaux de graisse !

Le repas est fini…Jeannine me donne une orange. Je regarde autour de moi : personne n’en a…quand je vous dis que Jeannine est aux petits soins pour moi…

Cynthia et Zinah dorment à poings fermés
En attendant la soirée (durant laquelle il y a un concert en ville), nous restons là. La sieste pour la plupart…je somnole sur le lit double, assis à côté de Zinah et Cynthia qui dorment à poings fermés. L’après-midi passe, le volume des enceintes me donne envie de sortir de la pièce…on me rappelle pour venir danser. Après deux verres de bières, je pose mon gobelet sur la table…
Quelques minutes ont passé, Jeannine me le remet dans les mains…plein. Je souris intérieurement de toutes ces petites attentions qui ont pour but de me faire sentir l’un des leurs…C’est réussi.


C’est pour des moments comme ceux-ci que je me félicite d’être venu ici…Parce que leur générosité est telle et que j’aime leur simplicité, j’en aurais presque apprécié le gras fondant dans la bouche…

(Moi)/Zinah/Paul/Gladisse/Cynthia/Jeannine/Maman Tafita
Papa Zinah/Tafita/Daniel/Maman Daniel

Aujourd’hui, nous sommes le 26 juin, jour de fête nationale à Madagascar… A cette occasion, j’ai eu la chance d’être invité par Zinah et sa famille pour la journée. Journée assez exceptionnelle en vérité, faite de grande simplicité, de rires et de générosité. Une belle occasion de découvrir Madagascar en son cœur.

Et pour rien au monde je n’aurais voulu changer cette belle journée.

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