Au-delà de tous les aspects du « vazaha », par opposition au « gasy »
( : malagasy : malgache), être vazaha, c’est avant tout être un
étranger…Et c’est quand on vit cette situation d’étranger qu’on réalise à quel
point ça n’est pas facile. D’ors et déjà, je me sens plus proche de toutes les
personnes que j’ai un jour rencontrées en France en ayant quitté leur pays et
leur entourage.
Plus proche de ces personnes à qui j’ai pu reprocher à un moment donné leur
manque d’implication, en me disant qu’elles ne faisaient pas tellement d’efforts
ou qu’elles restaient enfermées avec leurs compatriotes…Plus proche de ces
personnes qui gardent parfois leur façon de faire face à notre culture ou qui
ne comprennent pas notre façon de faire. Enfin, plus proche de ces personnes
qui galèrent pour obtenir leurs papiers…
Sur ce dernier point, à Madagascar, on dit que « Les Français sont
arrivés ici avec la démocratie et l’administration et sont repartis avec la
démocratie »…cela veut dire ce que cela veut dire ! J’ai envoyé en
septembre ma demande de visa ainsi que mon passeport…je les ai récupérés début
juin, c’est-à-dire huit mois après le début des démarches…En attendant d’être
en règle, il faut aller de renouvellement en renouvellement d’autorisation provisoire,
se démener pour obtenir les papiers qu’il faut pour justifier notre présence
ici et faire avancer les démarches.
Et moi, j’ai eu la chance d’avoir quelqu’un
pour m’aider !
Dans ces temps, on se dit qu’on a d’autant plus de raison de se sentir bien
dans son pays, dans un endroit où personne ne nous demandera la raison de notre
présence ici. Notre « chez nous » quoi !
Être étranger, c’est aussi ne pas comprendre quand les autres parlent dans
leur langue…c’est avoir des crises de paranoïa quand on entend son prénom puis
des éclats de rire, c’est essayer de faire l’effort de comprendre quelques
mots, quelques phrases, le sens de quelques dialogues…puis fatigué de tous ces
efforts, se plonger dans ses pensées et faire abstraction de ce qui se passe
autour. C’est finalement devoir accepter que l’on ne maitrise pas tout et qu’il
faut faire parfois confiance dans la traduction.
Être étranger, c’est avoir l’impression de faire des efforts en permanence
pour s’intégrer, pour comprendre ce qu’il se passe autour de nous…et s’entendre
dire d’une manière ou d’une autre (à travers des gestes, des attitudes, des
paroles, etc.) que cela n’est jamais assez.
Être étranger, c’est avoir le mal du pays de temps en temps, vouloir emmener
les gens que l’on côtoie ici pour leur montrer notre pays…c’est avoir envie qu’on
nous pose des questions sur celui-ci et trouver que cela n’est jamais assez. C’est
s’apercevoir que l’on manque des événements importants dans notre entourage,
chez nous et regretter de ne pas toujours être présent aux côtés des nôtres. (Et
encore, moi j’ai la chance de disposer d’une connexion permanente et d’avoir
des nouvelles régulières de la France…je suis un privilégié.)
Être étranger, c’est avoir envie de retrouver de temps en temps des
compatriotes pour se détendre et être soi-même, c’est parfois se sentir seul
même lorsque l’on est très entouré.
Être étranger, c’est être reconnaissant des autochtones qui nous accueillent
et nous comprennent dans nos difficultés d’éloignement, d’intégration. C’est
avec ces personnes et pour elles que l’on a envie d’avancer, de progresser et de faire des
efforts supplémentaires.
Être étranger, c’est ne pas toujours comprendre ce qu’il se passe, être
parfois ridicule dans notre façon de faire, avoir besoin de se référer
à quelqu’un du pays pour être sûr de faire correctement les choses. C’est
repartir de zéro dans notre comportement, en apprendre tous les jours et faire
de nombreuses erreurs culturelles malgré nos efforts.
Être étranger, c’est avoir besoin d’une énergie supplémentaire pour faire
des choses que les autochtones considèrent comme faciles. (Je pense à Pierre
qui m’a dit ce soir qu’il avait peur d’aller au supermarché…alors que pour ma
part, cela me demande quelques efforts de faire le bazar (le marché) tout seul).
Quand on a l’habitude, c’est très facile, mais on oublie que ça n’est pas une
habitude chez tout le monde…
Être étranger, c’est un jour avoir envie de juger les gens que l’on côtoie
sur leur comportement que l’on trouve illogique et le lendemain, s’émerveiller sur
leur façon de faire. C’est se dire « finalement, mon pays n’est pas si nul
que ça » puis « Pourquoi on fait pas ça chez nous ? ».
Être étranger, c’est parfois avoir envie de changer les habitudes des
autochtones, convaincus que nous sommes d’avoir la bonne méthode…parfois, on s’acharne,
d’autres fois, on finit par accepter que d’autres façons de faire peuvent
marcher, et puis, il y a des fois où l’on se dit que finalement, on avait bien
tort de vouloir tout changer…
En fait, lorsque l’on est étranger, notre opinion sur ce nouveau pays et
cette nouvelle culture dépend profondément des personnes que l’on rencontre, de
celles qui ont pris le temps de nous accueillir et de nous écouter.
Bien entendu, tout ceci vient de mon propre ressenti, mais j’ai de bonnes raisons
de croire que je ne suis pas seul à l’avoir eu…
La prochaine fois que vous rencontrerez un étranger en France, pensez à moi !
Ayez ceci en tête et intéressez-vous à lui…il vous en sera reconnaissant !
C’est à mon sens par là que passe l’entente entre les peuples…
Joli message.
RépondreSupprimer« Nous sommes frères par la nature, mais étrangers par l'éducation. »
Confucius
Moi qui suis un français vivant avec une gasy en France ,j'ai lu ce message avec beaucoup d’intérêt .Tout ce que vous écrivez sur la communication ,je le connais au jour le jour.Je le rencontre au sein de la famille de mon épouse : ses trois sœurs vivent dans notre région avec des maris français ,comme moi.Quand on épouse une malgache ,on épouse sa famille ...J'ai souvent l'impression d'être sur le trottoir avec mes beau frères et nous regardons passer le cortège formé par nos femmes ,leurs nombreuses cousines et leurs cousins dansant le salégy avec des statues religieuses et des pratiques coutumières (fomba).Nous voyons mais ne comprenons pas :Vous êtes un vazaha à Madagascar et moi ,un vazaha dans la famille de ma femme ...
RépondreSupprimerSuper article Augustin!
RépondreSupprimerJ'espère que la fin de ta mission se passe bien & que tu n'es pas trop triste..
En route pour de nouvelles aventure!
Saffiya "Madasie!"