dimanche 17 juin 2012

Être vazaha : chapitre 2


Au-delà de tous les aspects du « vazaha », par opposition au « gasy » ( : malagasy : malgache), être vazaha, c’est avant tout être un étranger…Et c’est quand on vit cette situation d’étranger qu’on réalise à quel point ça n’est pas facile. D’ors et déjà, je me sens plus proche de toutes les personnes que j’ai un jour rencontrées en France en ayant quitté leur pays et leur entourage.
Plus proche de ces personnes à qui j’ai pu reprocher à un moment donné leur manque d’implication, en me disant qu’elles ne faisaient pas tellement d’efforts ou qu’elles restaient enfermées avec leurs compatriotes…Plus proche de ces personnes qui gardent parfois leur façon de faire face à notre culture ou qui ne comprennent pas notre façon de faire. Enfin, plus proche de ces personnes qui galèrent pour obtenir leurs papiers…

Sur ce dernier point, à Madagascar, on dit que « Les Français sont arrivés ici avec la démocratie et l’administration et sont repartis avec la démocratie »…cela veut dire ce que cela veut dire ! J’ai envoyé en septembre ma demande de visa ainsi que mon passeport…je les ai récupérés début juin, c’est-à-dire huit mois après le début des démarches…En attendant d’être en règle, il faut aller de renouvellement en renouvellement d’autorisation provisoire, se démener pour obtenir les papiers qu’il faut pour justifier notre présence ici et faire avancer les démarches. 
Et moi, j’ai eu la chance d’avoir quelqu’un pour m’aider !
Dans ces temps, on se dit qu’on a d’autant plus de raison de se sentir bien dans son pays, dans un endroit où personne ne nous demandera la raison de notre présence ici. Notre « chez nous » quoi !

Être étranger, c’est aussi ne pas comprendre quand les autres parlent dans leur langue…c’est avoir des crises de paranoïa quand on entend son prénom puis des éclats de rire, c’est essayer de faire l’effort de comprendre quelques mots, quelques phrases, le sens de quelques dialogues…puis fatigué de tous ces efforts, se plonger dans ses pensées et faire abstraction de ce qui se passe autour. C’est finalement devoir accepter que l’on ne maitrise pas tout et qu’il faut faire parfois confiance dans la traduction.
Être étranger, c’est avoir l’impression de faire des efforts en permanence pour s’intégrer, pour comprendre ce qu’il se passe autour de nous…et s’entendre dire d’une manière ou d’une autre (à travers des gestes, des attitudes, des paroles, etc.) que cela n’est jamais assez.
Être étranger, c’est avoir le mal du pays de temps en temps, vouloir emmener les gens que l’on côtoie ici pour leur montrer notre pays…c’est avoir envie qu’on nous pose des questions sur celui-ci et trouver que cela n’est jamais assez. C’est s’apercevoir que l’on manque des événements importants dans notre entourage, chez nous et regretter de ne pas toujours être présent aux côtés des nôtres. (Et encore, moi j’ai la chance de disposer d’une connexion permanente et d’avoir des nouvelles régulières de la France…je suis un privilégié.)
Être étranger, c’est avoir envie de retrouver de temps en temps des compatriotes pour se détendre et être soi-même, c’est parfois se sentir seul même lorsque l’on est très entouré.
Être étranger, c’est être reconnaissant des autochtones qui nous accueillent et nous comprennent dans nos difficultés d’éloignement, d’intégration. C’est avec ces personnes et pour elles que l’on a envie d’avancer, de progresser et de faire des efforts supplémentaires.
Être étranger, c’est ne pas toujours comprendre ce qu’il se passe, être parfois ridicule dans notre façon de faire, avoir besoin de se référer à quelqu’un du pays pour être sûr de faire correctement les choses. C’est repartir de zéro dans notre comportement, en apprendre tous les jours et faire de nombreuses erreurs culturelles malgré nos efforts.
Être étranger, c’est avoir besoin d’une énergie supplémentaire pour faire des choses que les autochtones considèrent comme faciles. (Je pense à Pierre qui m’a dit ce soir qu’il avait peur d’aller au supermarché…alors que pour ma part, cela me demande quelques efforts de faire le bazar (le marché) tout seul). Quand on a l’habitude, c’est très facile, mais on oublie que ça n’est pas une habitude chez tout le monde…
Être étranger, c’est un jour avoir envie de juger les gens que l’on côtoie sur leur comportement que l’on trouve illogique et le lendemain, s’émerveiller sur leur façon de faire. C’est se dire « finalement, mon pays n’est pas si nul que ça » puis « Pourquoi on fait pas ça chez nous ? ».
Être étranger, c’est parfois avoir envie de changer les habitudes des autochtones, convaincus que nous sommes d’avoir la bonne méthode…parfois, on s’acharne, d’autres fois, on finit par accepter que d’autres façons de faire peuvent marcher, et puis, il y a des fois où l’on se dit que finalement, on avait bien tort de vouloir tout changer…

En fait, lorsque l’on est étranger, notre opinion sur ce nouveau pays et cette nouvelle culture dépend profondément des personnes que l’on rencontre, de celles qui ont pris le temps de nous accueillir et de nous écouter.
Bien entendu, tout ceci vient de mon propre ressenti, mais j’ai de bonnes raisons de croire que je ne suis pas seul à l’avoir eu…
La prochaine fois que vous rencontrerez un étranger en France, pensez à moi ! Ayez ceci en tête et intéressez-vous à lui…il vous en sera reconnaissant !
C’est à mon sens par là que passe l’entente entre les peuples…

3 commentaires:

  1. Joli message.

    « Nous sommes frères par la nature, mais étrangers par l'éducation. »
    Confucius

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  2. Moi qui suis un français vivant avec une gasy en France ,j'ai lu ce message avec beaucoup d’intérêt .Tout ce que vous écrivez sur la communication ,je le connais au jour le jour.Je le rencontre au sein de la famille de mon épouse : ses trois sœurs vivent dans notre région avec des maris français ,comme moi.Quand on épouse une malgache ,on épouse sa famille ...J'ai souvent l'impression d'être sur le trottoir avec mes beau frères et nous regardons passer le cortège formé par nos femmes ,leurs nombreuses cousines et leurs cousins dansant le salégy avec des statues religieuses et des pratiques coutumières (fomba).Nous voyons mais ne comprenons pas :Vous êtes un vazaha à Madagascar et moi ,un vazaha dans la famille de ma femme ...

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  3. Super article Augustin!
    J'espère que la fin de ta mission se passe bien & que tu n'es pas trop triste..
    En route pour de nouvelles aventure!

    Saffiya "Madasie!"

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