Ceux qui me connaissent un peu sauront que les places
d’honneur, c’est pas tellement ma tasse de thé…les cadeaux, les louanges, les
discours de remerciements de 30 mn à mon intention, même s’ils font plaisir, me
gênent toujours un peu…
Alors, en arrivant ici, il m’a fallu faire face aux
« monsieur », à tous les services que les uns et les autres voulaient
me rendre sans que je n’aie rien demandé…moi qui voulais être discret, faire de
la simple coopération en aidant sans me faire remarquer, j’ai eu du mal à voir
les élèves se lever devant moi en entrant dans une salle et me laisser sortir
le premier de la classe. Les voir venir me prendre la brosse des mains pour
effacer le tableau à ma place ou me porter mes affaires…
Que faire lorsqu’on me présente la place d’honneur, que l’on
refuse que j’aide à la vaisselle ou à la cuisine ? « Je ne suis pas
sorti de la cuisse de Jupiter ! » ai-je si souvent eu envie de
crier !
« Je ne suis pas en sucre ! » me venait
souvent à l’esprit quand les gens étaient aux petits soins pour moi, me
portaient mes affaires, me prenaient mon verre pour le remplir alors que je
n’avais rien demandé…
Lorsqu’on est un vazaha, la couleur de peau suffit largement
à ce que tout le monde vous regarde, pas la peine d’en rajouter
pensais-je !
Et puis, peu à peu, de protestations en protestations, ma
résistance est tombée. J’ai juste réalisé que cette résistance était orientée
vers le fait que je ne voulais pas en abuser, que les personnes se croient
obligées de se mettre en quatre pour moi, de me servir simplement par le fait
d’être un professeur ou d’avoir la peau blanche.
Au final, j’ai remarqué que ces personnes prenaient plaisir à
m’honorer ainsi et que j’étais bien le seul à me faire du souci ! Dans un
souci d’égalité à l’occidentale, je souhaitais aider les femmes à la cuisine,
que chacun porte ses propres affaires, faire les choses par moi-même...Mais
ici, chacun a sa place, son domaine, son rôle à tenir et cela ne semble poser
de problème à personne !
C’est ainsi que j’ai progressivement pris la place que l’on
me donnait. La place de l’invité à l’honneur. La place du professeur qui
enseigne à ses élèves. Pour les familles, peut-être la place du jeune homme qui
s’amuse à jouer avec leurs enfants. Moi aussi, je joue un rôle et j’ai
constaté que c’était là aussi ma manière de remercier !
J’ai appris à ne plus refuser en comprenant que cela pouvait
parfois être blessant…qu’aider quelqu’un à la vaisselle ou à la cuisine pouvait
sous-entendre que cette personne ne tenait pas correctement le domaine dont
elle avait la charge. J’ai appris à rester sagement à table avec les hommes,
pendant que les femmes s’affairaient en cuisine, j’ai appris à ce que mes
élèves (sœurs du noviciat) me prennent mes affaires ou ma guitare juste pour
parcourir la distance « porte de la salle » - « bureau »
(environ 10m).
Le reste de mon caractère s’est contenté de faire le reste,
en protestant gentiment pour tel ou tel honneur un peu exagéré, (quand par
exemple, sous prétexte que j’ai dit être fatigué, on se précipite pour me
porter mon sac à dos qui ne contient presque rien… !) de manière à ne pas
tomber dans une relation de « servitude », en remerciant toujours
pour telle ou telle chose, en apprenant les prénoms de mes élèves (pour les
sœurs du noviciat par exemple), en essayant de faire attention aux personnes
autour de moi et de rendre les honneurs que l’on me faisait.
Juste une forme de reconnaissance, mais primordiale à mon sens pour
que chacun se sente respecté dans son rôle.
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