Petit court-métrage

Dans mon précédent article "remettre du sens", je vous disais qu'il me fallait trouver un autre sens à ma présence ici du fait de la remise en cause de ma mission. Je vous parlais notamment des activités que je voulais développer un peu plus avec les enfants : c'est l'une d'entre elle que je voudrais vous présenter ici.

Pendant les vacances scolaires, la majorité des enfants qui passent ici n'ont rien à faire (c'est d'ailleurs la raison de leur présence au foyer !) et je me suis toujours fait un plaisir de faire quelques parties de baby-foot avec eux, de leur inventer quelques jeux (avec un pneu et un dessous de table, on arrive à beaucoup de choses !). 

Aimant bien filmer, faire des petits montages et des courts-métrages (et sûr de mes capacités dans le domaine acquises en formation d'éducateur spécialisé), j'ai proposé à quelques enfants il y a trois semaines d'apprendre à filmer (avec mon caméscope) tout en réalisant un petit film. Ceux-ci ne se sont pas fait prier, tout heureux qu'ils étaient de pouvoir "toucher" à la vidéo, d'appuyer sur le bouton rouge, de crier "moteur" et "action"...

Pendant trois-quatre jours donc, nous avons filmé à partir de leurs propres idées de scénario, de leurs propres dialogues, même si je les ai parfois freinés dans leur ardeur : nous ne sommes pas à Hollywood ! Ils ont répété leur rôle, écouté mes conseils pour filmer, re-fait les scènes ratées...

Quand le montage a été fini, j'ai été amusé de les voir rire lorsqu'ils apparaissaient à l'écran, se cacher derrière la chaise ou leur camarade, mais heureux d'avoir un petit film à eux...A présent, ils attendent tous de récupérer chacun leur DVD comme petit souvenir...Prochain film (selon leur désir) : Une aventure avec des combats et des courses...ça va pas être facile, mais je relève le défi !

Voici le film...peut-être que vous ne comprendrez pas tout, la réalisation et le montage ne sont pas parfaits : il n'a rien d'un film de professionnel...contrairement à beaucoup de films, celui-ci est à destination de ses propres réalisateurs...les spectateurs, c'est accessoire !

En faisant toutes ces activités avec les enfants, je ne peux pas m'empêcher de me dire que s'il y a bien une chose qui ne change pas d'un pays à l'autre, ce sont bien les enfants...toujours motivés, dynamiques, spontanés, rieurs, curieux, admiratifs...

 

Un simple merci suffit...

Pour ceux qui suivent régulièrement mes actualités, vous saurez qu’à l’heure où je vous écris, le père Gaby a rejoint la France, mettant ainsi un terme à 44 ans de présence à Madagascar, dont les 9 dernières années, ici, à Diego, au foyer Brottier.

Vous vous en doutez, en 9 années, on accumule beaucoup de choses…des choses matérielles tout d’abord…ce qui avait fait de la chambre de Gaby un véritable chantier dont la durée des travaux a toujours été indéterminée…On y trouvait un peu de tout : des médicaments périmés depuis 1992, des billets de 100, 200 ou 1000 ariarys trainant un peu partout, une table de nuit où s’empilent les carnets de mots fléchés, mon contrat de coopération collé aux factures de téléphone grâce aux crottes du maki, un stock d’une dizaine de bouteilles de rhum pour les petites et les grandes occasions…un désordre qui me permettait de me dire, que finalement, je n’étais pas si mal organisé que ça…!

Mais en 9 ans, on accumule surtout beaucoup de relations, beaucoup de reconnaissance de la part des uns et des autres, beaucoup de souvenirs…Alors forcément, un départ de ce type ne laisse pas indifférent toutes les personnes auprès de qui Gaby a œuvré…malgré un caractère un peu grognon, Gaby est d’une générosité peu commune, se mettant avant tout au service de ceux qui l’entourent en donnant sans compter…Un peu comme s'il était le grand-père de tous ici, à commencer par les enfants...je l’imagine en train de lire cet article devant son ordinateur, faisant non de la tête et s’exclamant d’un air grognon « c’est pas possible ces gens qui se sentent obligés de toujours en écrire des tartines ! »… ! Alors je n’en dirai pas plus, même s’il le mériterait !

Pas de grand repas, de grande fête…Gaby a horreur des honneurs, des remerciements…peste contre toutes les invitations qui lui ont été faites…essaye d’abréger les « au revoir », les longs discours, a fixé la date de son départ un jour où les gars n’étaient pas là…bref, partir dans la discrétion est son refrain, explique à ceux qui pleurent son départ que personne n’est indispensable et que la vie continue quoi qu’il en soit.

En guise de « dernière fois », Gaby avait seulement prévu, mercredi 11 avril, veille du départ, d’aller à la plage avec tous les enfants pour passer un dernier moment avec eux…C’est ainsi qu’il est parti avec 19 d'entre eux…malheureusement, l’excursion a été de courte durée : la pluie en avait décidé autrement…le retour a donc été plus rapide et a donné lieu à un pique-nique au foyer Brottier !

Une petite vidéo du retour…

Natasha,        Beby, Cynthia,   Zinah,    Jeannine,    Vaniah, Jeannine, Patrick, Eva
                       Faridja, Annie.
 Hasina, Miora, Sarah, Gladisse, Daniel, Paul, Miranah, Tafita, Nirina, Ornella, Gaby
(De même couleur les enfants d'une même fratrie).

A noter que les deux Jeannine ne sont pas des enfants, mais les mères ! Elles sont employées au foyer comme femmes de ménage...

Après avoir bu un dernier verre à l’aéroport (grande occasion oblige…), j’ai bien entendu remercié Gaby, qui s’est écrié, fidèle à lui-même : « Tu parles ! ». A bientôt Gaby…et merci !

Remettre du sens

En écrivant cet article, croyez le ou non, les mots ne sont pas venus aussi facilement qu’à l’habitude…que de phrases écrites, effacées et réécrites ensuite…mon blog est accessible à tous et il me faut donc être prudent…

Par quoi commencer ? Peut-être vous informer tout d’abord, et c’est bien là l’information principale, que ma mission de coopération au foyer Brottier s’arrêtera à la fin de cette année scolaire…J’ose espérer que la suite de cet article vous éclairera un peu plus sur les circonstances de cette fin prématurée, même si je ne peux pas tellement m’épancher dessus…(Si vous souhaitez davantage de précisions, n'hésitez pas à me contacter)

Pour résumer très rapidement :

Le mois de mars a vu naitre un important conflit au sein de l’équipe de formateurs (entre Gaby, Christian, Lélio et moi-même)…celui-ci s’est étalé sur la totalité du mois dans une ambiance extrêmement malsaine, empêchant toute communication et entrainant malgré eux les jeunes et leur année de formation…
Afin que le foyer puisse retrouver un semblant de fonctionnement d’ici la fin de l’année, la décision a été prise, lors d’une réunion avec les responsables de la congrégation à Madagascar, que le père Gaby quitterait celui-ci le jeudi 12 avril pour rentrer définitivement en France.

Gaby étant mon partenaire (c’est-à-dire qu’il fait partie des personnes ayant signé mon contrat de mission), la suite de ma coopération ici était donc fortement remise en question…lors de cette même réunion, les responsables n’ont donc pas souhaité s’engager sur une deuxième année avec moi comme cela était prévu initialement.

Je quitterai en conséquence le foyer en juin et irai vadrouiller à droite à gauche dans Madagascar jusqu’en août…Septembre reste pour l’instant incertain, puisque deux solutions s'offrent à moi :
- Être affecté sur une autre mission sur le sol malgache.
- Rentrer en France.

A l’heure où j’écris ces mots, aucune décision n’a été prise (notamment par la DCC, l'organisme qui m'envoie) : la réflexion est en cours.

Si je me projette déjà sur d’autres projets pour septembre, il me reste néanmoins deux mois à vivre ici…quel sens leur donner ?

Deux mois à vivre ici, après avoir vécu un conflit auquel j’ai pris part et qui a abouti sur la mise à l’écart de mon partenaire, principal soutien. Soutien qui me sortait de mon isolement culturel, me permettait de prendre du recul sur ce que je vivais ici et absorbait une partie des critiques dont nous avons été la cible…

Difficile de continuer une mission de coopération quand la personne qui a sollicité votre présence n’est plus ici et que vos autres interlocuteurs voient votre intervention d’un mauvais œil. Difficile de continuer quand on a l’impression que nos efforts ne sont pas reconnus, que notre façon d’aimer n’est pas appréciée. Difficile quand notre motivation fout le camp parce qu’elle laisse place à d’autres projets…

Pour toutes ces raisons, beaucoup m'ont conseillé de me mettre en retrait pendant ces deux mois, afin de ne pas risquer d'affronter une autre tempête...cette fois-ci tout seul.
Néanmoins, il est aussi difficile de tout abandonner en quelques semaines et de se faire à l’idée qu’il faut renoncer à tout ce qu’on avait envisagé...j’ai la formation et l’éducation dans le sang…alors laisser le reste de l’équipe agir à sa guise et se taire pour ne pas s’attirer les foudres reste compliqué…Difficile de se contenter d’être un professeur de français et de philosophie qui a pour unique but d’apporter des connaissances (surtout quand on connait les miennes dans ces matières…c’est pas ma vocation première, croyez-moi…).

« Lorsque l’on part en coopération, on a la tête plein de projets, la volonté d’aimer les autres, de changer des choses, de leur montrer une autre façon de vivre, une autre façon de penser… […] Comment aimer de tout son cœur, quand on a l’impression que l’amour que l’on donne n’est pas reconnu ?

Me faire accuser d’être un colon et de ne pas faire les choses avec amour reste difficile à accepter…difficile d’accepter que les autres ne fonctionnent pas de la même manière que moi, difficile d’accepter que ma manière d’aimer ne porte pas ses fruits, difficile de ne pas se sentir compris. Alors comment faire ? Comment aimer encore et toujours, même lorsque cela ne plait pas à tout le monde… ? Comment ne pas avoir envie de tout laisser tomber, d’abandonner et de se laisser entrainer par le courant ? Comment donner encore un sens à cette coopération, se dire qu’elle apporte quelque chose quand on a l’impression du contraire… » (Petit extrait de mes notes, écrites un soir où l'ambiance était tendue).

Du sens, à l’heure actuelle, j’en trouve encore…même si elle ne concerne plus ma mission initiale…la présence face aux enfants, tout heureux de me retrouver, de faire des activités avec moi. L’attention particulière que je donne aux uns et aux autres qui semblent ne pas passer inaperçue parmi les personnes que je côtoie (cuisinières, femmes de ménage, élèves que j’ai en soutien…).

Je réalise au fur et à mesure des jours qui passent que je quitte toutes ces personnes dans quelques semaines. Des personnes auprès desquelles je me suis investi et qui me paraissent tout à coup plus proches que je ne le pensais…Des personnes qu’un simple sourire, geste ou une simple discussion semblent avoir touché l’espace de quelques instants.

Et puis au-delà de toutes ces personnes qui entourent le foyer, montrer aux jeunes qu’il est possible de continuer à aimer, de continuer ce qu’on est venu faire, sans se laisser aller à des vengeances et des rancœurs inutiles, même après tout cela…Exemple que l'on peut penser vain...cela les touchera-t-il un jour ? Il est des jours où l'on se dit que l'espoir est mince, mais s'il existe, alors autant le tenter !

On aimerait toujours avoir un peu de retour sur nos actions…mais n’est-ce pas ça, aimer et donner gratuitement ?

Pour le reste, il ne me reste plus qu'à profiter de la présence de tous ces gens qui m'entourent, de la beauté du paysage, de mes cinq sens pour m'émerveiller...bref, de profiter de la chance de vivre tant de choses diverses et variées...