Gabin, Gabrielle et compagnie...

Depuis le début de ma coopé, je vous ai parlé de nombreuses fois des enfants de passage au foyer Brottier : il serait dommage de ne pas vous parler de Gabin et sa sœur Gabrielle, leurs cousins Mireilla, Ortega, Larissa...Ils font partie des enfants les plus présents au foyer, et pour cause, ils habitent à quelques centaines de mètres ! 

Il y a quelques mois, ceux-ci m'ont fait visiter leur maison...Avant de m'y rendre, j'ai pu sentir chez eux une certaine gêne...mais celle-ci s'est transformée plus tard en une certaine fierté d'avoir été visité par un vazaha...! 

Les maisons ici comme beaucoup d'endroits restent très rudimentaires et ne contiennent en général qu'une seule pièce servant alors de cuisine, chambre d'enfants et de parents. Gabin et Gabrielle y vivent ainsi avec leur mère et leur frère pendant toute l'année, pendant que leur père est pêcheur dans une autre ville de Madagascar et ne rentre que tous les trois-quatre mois pour une dizaine de jours...

Bien que très jeune, Gabrielle s'occupe déjà de préparer la cuisine pour ses frères en l'absence régulière de leur mère, partie travailler.

En dehors de tout cela, ces enfants sont très attachants et c'est toujours un bonheur pour moi d'être en leur présence. Je vous laisse vous régaler de leurs sourires charmeurs, de leurs chansons, de leur Français qui est globalement très bon !

Perles de coopé 2

Voici la deuxième édition des perles de coopé...principalement concernant les cours !

Lors du deuxième trimestre, j'ai souhaité initier mes élèves aux jeux de mots, de manière à jouer avec la langue française, pouvoir comprendre quelques subtilités, jouer avec les homonymes...voici les meilleures phrases obtenues, vous ne serez pas déçus...

Le premier exercice que je leur ai demandé, était de faire apparaitre un mot "caché" dans une phrase...exemple : "Ta blessure" fait apparaitre le mot "table".

Tu as pris le car à thé ? (Christian)

C'est tabou cherie ! (Landry)

Njaka m'a de son côté fait éclater de rire avec cette phrase : Tu ne peux pas regarder ça car t'es moins âge que moi. Avez-vous trouvé le mot "caché" ? Il s'agit du mot "témoignage"...et oui !

Le deuxième exercice consistait à jouer avec les homonymes pour en faire apparaitre le plus possible dans une phrase, elle-même la plus courte possible. Outre les homonymes, il s'agissait principalement de jouer avec les sonorités pour créer des assonances et allitérations...

Ma mère maire est à la mer (Ginau)

Leur veau leur est volé par un voleur (Fabrice)

Le con qu'on cogne cogne un con (Fabrice)

Il s'en va sans me voir chanter cent chants aux champs (Brilland)

Je les avais initiés en début d'année aux différentes phrases du type "Un chasseur sachant chasser sans son chien est un bon chasseur" pour les obliger à lire lentement, mais vous voyez qu'au final, ces phrases sont dans le même registre !

Petites perles sur les explications de mots, les erreurs de frappe comme ils disent ici...

"Je vous invite de voir le "tic-tac" pour persuader quelqu'un qui n'a pas envie de l'être" écrit Njaka, pour nous parler d'une certaine stratégie...stratégie qui s'avère être plus une tactique qu'un simple tic-tac !

Je demandais dans un devoir d'expliquer le mot "vague", dans le sens de "flou"...Jean-Marie, adepte des mots de vocabulaire compliqués, m'a tout simplement expliqué que "C'est vague signifie un ébranlement sinusoïdal."

 Un de mes derniers articles vous parlait du cours sur l'autorité que j'ai vu avec mes élèves...cours que j'ai principalement puisé dans l'expérience de Milgram...et lors d'un devoir sur table que j'ai ensuite ramassé, j'ai constaté que Njaka n'avait enregistré qu'une "petite" partie de l'expérience puisqu'il m'a parlé de "l'expérience de Miligram"...

Quant aux expressions que je leur apprends, je me demande parfois si celles que j'ai choisies sont vraiment pertinentes...constatez par vous-mêmes :

"Premièrement, le bonheur est un droit si quelqu'un a une veine de cocu, c'est-à-dire beaucoup de chanche..." (Njaka)

Passons à la philosophie et à quelques réflexions diverses et variées, certaines ont été écrites, d'autres sont issues des séances de réflexion à trois ou quatre :

Peut-on obéir et être libre ?

Pendant que les jeunes discutaient par petit groupe sur cette question, je vois Christian s'amuser à lire toutes les définitions du dictionnaire (ils aiment beaucoup faire ça !)...je lui fais donc la remarque :

- Christian, ferme ce dico, c'est pas le moment.

Christian s’exécute, je m'éloigne alors de son groupe, et j'entends derrière moi ses camarades s'exclamer :

- Tu vois, tu n'es pas libre !

J'ai entendu par ailleurs Fabrice prononcer cette phrase que j'ai trouvé très pertinente et qui fait réfléchir : "Tu peux faire tout ce que tu veux, mais il faut que ce que tu veux n'empêche pas ta liberté".

Le bonheur est-il un droit ?

"Donc le bonheur n'est pas un droit car le bonheur est le fruit du travail de chacun tandis que le droit est déjà réservé à chacun même s'il n'est pas encore né." (Ginau)

Suis-je le seul à savoir ce que je dois faire ?

"On est pas seul à savoir ce qu'on doit faire, mais on est seul à faire ce qu'on doit faire." (Brilland)

Mais les perles de coopé, c'est aussi entendre les gars utiliser régulièrement les expressions que je leur ai appris quelques heures auparavant, c'est réaliser que les jeunes lisent de mieux en mieux en public (notamment quand ils lisent un texte à la chapelle), c'est rire avec eux lorsque j'utilise quelques jeux pour faire passer les leçons, c'est sentir que ma présence ici sert à quelque chose et c'est même me faire avoir à mes propres blagues parce qu'ils s'amusent à les reprendre...

Limites

Ici, la vie est parfois comme certains œufs...elle peut être dure ! Quelques élèves, dans leurs dissertations, utilisent également cette expression : la vie de l'homme est comme la roue de la charrette : des fois en haut et des fois en bas...

Si la coopération est une expérience formidable, ça n'est pas seulement parce qu'on y découvre des bonnes choses, mais aussi parce qu'on se confronte à ses propres limites...Croyez-le ou non, même si mes articles essayent de témoigner globalement du bon déroulement de cette expérience, il n'en demeure pas moins que cela n'est pas facile tous les jours !

La première chose est évidemment l'éloignement de la France, de ma culture, de mes proches...je ne compte plus le nombre de photos, vidéos que je regarde sur mon ordinateur en boucle vous concernant, mes rêves de projet pour le retour, la déception de ne pas vous voir grandir pendant ces deux ans, de ne pouvoir être à vos côtés dans vos projets...la France me manque, pouvoir évoluer dans un évènement qui m'est familier, sans essayer de me torturer l'esprit à comprendre les modes de fonctionnement des personnes autour de moi...il s'agit d'un véritable bol d'air lorsque je peux rencontrer quelques Français et discuter avec eux ! La cuisine, le froid de l'hiver, les jeux de société, les jeux de mots débiles, les soirées entre amis, les fous rires avec les uns et les autres, les mariages des uns, les naissances pour d'autres...

Et puis, il y a les limites que je me découvre sur place...ceux qui me connaissent un peu me décriront peut-être comme accueillant, à l'écoute des uns et des autres, tolérant...je pensais l'être dans n'importe quel environnement : erreur...

La vie en communauté a beaucoup d'avantages (pas besoin de préparer les repas, sécurité du logement, le fait d'être entouré, accès à un certain confort que je n'aurais pas seul en appartement (internet, véhicule...)), mais elle a ses limites pour moi qui ne me destine pas à y passer ma vie.

Impossibilité de me concocter mes propres repas, à l'heure que je souhaite, de me déconnecter un peu du foyer après une journée de cours, d'inviter quelques personnes le temps d'une soirée...

Je découvre l'importance d'avoir un petit espace privé, face à la circulation quotidienne des personnes au foyer...les visites d'un repas, d'un jour ou d'une semaine sont nombreuses ici, et exigent de changer très régulièrement mes repères...de s'adapter au quotidien, de faire et refaire encore et toujours les mêmes conversations et d'accepter les remarques que se permettent les uns et les autres sur le déroulement du foyer. Et puis, pour moi qui ne suis pas un adepte des conversations de surface "bonjour, comment t'appelles-tu, d'où viens-tu, que fais-tu ?", cela devient extrêmement difficile face à des personnes avec qui j'ai au final peu de points communs...

Seule ma chambre donnant sur l'extérieur me permet d'avoir ce "petit" espace d'intimité dont j'ai besoin..."petit" car il ne m'empêche pas d'être exaspéré par la musique que les jeunes écoutent au maximum du son ou d'être envahi par les quelques enfants de passage qui veulent absolument voir ce que je fais sur mon ordinateur...exaspération que je retrouve dans d'autres aspects très simples de la vie quotidienne : je vois ainsi toujours d'un mauvais œil quand quelqu'un se sert du litre de lait qui m'est habituellement destiné pour le petit déjeuner...ou quand quelqu'un vient troubler mon petit moment de zapping devant la télévision...

Et oui...pas évident de partager le peu de choses à soi que l'on a...

Et pourtant...et pourtant...j'essaye ! J'essaye de prendre sur moi, de faire l'effort supplémentaire, de repousser cette limite de l'accueil, d'aimer ceux qu'il y a autour de moi. Mais face à un environnement essentiellement différent de celui que je côtoie en France, la difficulté n'en est que plus forte ! Vivre ma foi ici devient plus compliqué, car il me faut faire avec de nouveaux paramètres, des paramètres que je n'avais jamais envisagés auparavant. Aimer des personnes qui conçoivent la vie d'une manière totalement différente de la mienne en ayant des comportements qui me heurtent...pas évident...

Quant à la solitude, elle reste très présente ici, malgré le fait d'être entouré de nombreuses personnes...les Français de mon âge sont rares dans le coin, quant aux Malgaches qui ont mon âge...ce sont mes élèves ! Vous comprendrez donc la difficulté qu'est la mienne de pouvoir nouer de véritables relations d'amitiés avec ceux-ci...Pouvoir échanger sur les difficultés qui sont les miennes ici reste au final assez compliqué !

Difficulté, complication, exaspération, frustration...c'est tout simplement la vie ! La votre en France en est également faite, bien que ces difficultés soient surement différentes...Ne vous apitoyez donc pas trop sur cet article...si sur le moment ces difficultés ne sont pas évidentes à vivre, il n'en reste pas moins qu'avec quelques jours de recul en plus, je considère celles-ci comme une véritable chance...comment pourrai-je être éducateur spécialisé auprès des personnes qui ne connaissent que des difficultés si je n'en ai pas vécu moi-même ?  Cette coopération est une expérience humaine qui m'apprend chaque jour sur moi-même et je me découvre très régulièrement des aspects de ma personnalité, bons ou mauvais, que je ne soupçonnais pas auparavant...et ça n'est pas fini !

Promenade

Aujourd'hui, je vous propose une petite balade...à la Malgache ! Comme dans beaucoup de pays je suppose, les véhicules sont en général mises à rude épreuve et les gens ne se soucient guère de la loi et du confort sur une petite durée : pourvu qu'ils arrivent à destination !

A vrai dire, en ce qui concerne le confort et la sécurité, encore faut-il que la voiture le permette...! Les ceintures de sécurité sont généralement à la ramasse et d'ailleurs, elles ne sont obligatoires que pour les conducteurs...Les véhicules sont utilisés jusqu'à la moelle...tant que ça roule, tout va bien ! 

Le foyer dispose de deux voitures : une partner toute usée (les portes coulissantes ne s'ouvrent plus que de l'extérieur, il ne reste plus que la barre de fer pour le levier de vitesse, quant au volant, je consomme énergétiquement l'équivalent d'un repas à chaque fois que j'effectue un virage...pas pour rien que j'ai déjà perdu 4kgs depuis mon arrivée...) et d'un 4x4...En saison des pluies, ce dernier véhicule est assez utile, car comme vous le verrez sur les vidéos, il y a beaucoup de terre ici, et donc beaucoup de boue...

Lors des excursions de groupe, ce seul véhicule suffit généralement à emmener tout le monde : cinq ou six personnes dans la cabine (pour cinq places...c'est très soft), et le reste dans la remorque (c'est-à-dire une dizaine de personnes, et là, on est un peu plus serré...).

Pour ces derniers, tout le challenge consiste à trouver quelque chose pour s'accrocher lors des accélérations, des freinages ou des virages...suivant la place que l'on trouve, c'est un exercice plus ou moins difficile !

Voici dans cette première vidéo, une vue d'extérieur, à quoi cela ressemble quand on est dans la remorque...parents, surveillez vos enfants, un de mes jeunes a eu la mauvaise idée d'effectuer quelques doigts d'honneur...de gauche à droite dans la vidéo, Njaka sur le bord, Landry debout au premier plan, Donatien un peu plus à droite...pour les autres, c'est un peu plus compliqué pour que vous puissiez les situer !

Vous constaterez par vous-mêmes que lorsque l'on est debout, on prend de sacrées rafales de vent ! Et plus on est grand et moins on a de force, plus c'est dur...

Pour les vidéos suivantes, ouvrez grand les yeux, vous y verrez à quoi ressemble Madagascar en dehors du foyer...Pour ceux qui avaient réussi à me situer sur google earth, la première vidéo commence sur le chemin du foyer, un peu avant la route goudronnée principale que l'on rejoint...à vrai dire, il s'agit de l'autoroute de Madagascar, elle traverse toute l'île du nord au sud...

Vous verrez que les chemins de terre sont loin d'être plats, d'où l'utilité du 4x4 !

Pendant le trajet, nous croisons par ailleurs de nombreuses voitures jaunes (les taxis de Diego, très nombreux ici), quelques mini-bus reconvertis en bus "municipaux" ainsi que quelques personnes tirant leur charrette pour transporter des marchandises leur permettant de gagner leur vie...

Avec moi dans la remorque : le Père Lélio (ou Père Joseph), formateur également au foyer, et Donatien (que vous avez aperçu dans la vidéo précédente).

La dernière vidéo est une vue de derrière...vous pourrez observer les nombreuses petites maisons qui bordent la route, maison de tôles au milieu de la terre ainsi que plusieurs petites boutiques parmi celles-ci. N'oubliez pas de regarder le beau ciel bleu !

Avec moi de droite à gauche, Ginau, Odilon, Mercié, Donatien (encore lui) et Odon.

J'espère que la balade vous aura plu et vous aura permis d'observer Madagascar d'un peu plus près ?

Veloma !