Voici Annie, notre cuisinière du dimanche.
Annie a 44 ans et élève seule sa fille Ornella. Ornella n'a jamais connu son père, et Annie dit qu'elle-même ne l'a jamais revu depuis 12 ans, âge d'Ornella.
Annie me croise toujours en me disant "Bonjour Monsieur Augustin !"...son français est certes loin d'être parfait, mais une chose est sûre, elle est complètement décomplexée à ce niveau. Elle n'hésite pas à raconter sa vie, son histoire, comme elle s'occupe d'Ornella avec courage. Avec des mots, des gestes, n'utilisant que les verbes à l'infinitif, se reprenant, parlant toujours et encore.
Annie est toujours pleine d'énergie à revendre et pleine de vie, toujours vraie dans ce qu'elle fait. Si elle doit rire, elle rira. Si elle doit pleurer, elle pleurera.
Haute comme trois pommes, elle explique sa petite taille par un accident au fémur il y a longtemps.
Annie est fière de sa fille, et ça se voit. Comme beaucoup de mères, sa fille, c'est toute sa vie. Elle n'hésite pas à m'interpeller pour me montrer Ornella en tenue de karaté et lorsqu'elle me parle, un sujet sur deux tourne autour de sa fille...
Aujourd'hui, pendant que l'ensemble du foyer était parti dans les diverses paroisses alentours, je suis resté au foyer, dans ma chambre, portes grandes ouvertes, à lire sur mon lit. J'avais envie de me passer un peu de mon ordinateur en ce dimanche matin (et oui, c'est pas parce qu'on part à 10.000 km qu'on passe moins de temps sur l'ordi...pauvre de moi...) et avais donc entamé la lecture d'un livre de l'abbé Pierre.
A 7h30, Annie est venue toquer à ma porte, est entrée dans ma chambre sans trop oser me déranger. Et puis, elle m'a raconté, pendant que je m'étais redressé de mon lit, prêt à l'écouter.
Elle me raconte que cette nuit, des voleurs sont entrés chez elle. Qu'elle a retrouvé sa porte fracturée et qu'elle n'a pu que constater les dégâts : ses quatre marmites volatilisées, plus d'assiette, plus de couvert, tout son argent disparu...Annie pleure, se reprend pleine de courage, essaye d'expliquer qu'elle a oublié de mettre la grosse pièce de bois pour bloquer la porte, utilise son Français approximatif, fait des gestes, me mime sa découverte du vol, se remet à pleurer et me demande quand Gaby rentrera pour lui demander une avance sur son prochain salaire.
Pendant ce temps-là, moi j'écoute. Impuissant à l'écoute de ses propos. Je n'ai pour la consoler que des "bon courage", "je comprends", des "c'est pas facile"...bien peu à côté d'un tel évènement...juste une présence. Peut-être ce dont Annie avait besoin à ce moment, et je me félicite qu'il y ait eu quelqu'un présent au foyer pour l'écouter.
Annie est ensuite repartie en direction de la cuisine, son pas un peu moins énergique qu'à l'habitude.
J'ai regardé le livre sur l'abbé Pierre que j'étais en train de lire et me suis fait la remarque que les circonstances étaient particulièrement adaptées. J'ai pensé intérieurement à ce que disait le Père Joseph Wresinski (fondateur d'ATD Quart Monde) : "Les pauvres sont l'Eglise". Un petit bout de femme pleine de vie et d'amour, à qui on avait enlevé le peu de richesse matérielle qu'elle avait...
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